Jean-Marie Dutey
Qui suis-je ?
J'ai débarqué le 6 juin 58 à Lyon, mais j'ai
grandi à Collonges au Mont d'or, un village du val de Saône
situé une trentaine de kilomètres au nord de la métropole.
Collonges au mont d’or est un village maintenant plutôt
friqué après avoir été très plouc.
Ce village est connu pour abriter deux restaurants de Paul Bocuse, un grand nom de la cuisine française. Jamais mis les pieds.J'ai grandi à La Cour des Lierres, que cernaient les logement de fonctions des personnels de l'Éducation Surveillée, tous travaillant au « Centre », un établissement accueillant des mineurs délinquants. Mon père en était le directeur après avoir été éducateur, ce que fondamentalement il est resté et moi aussi. Situé à l'étage d'une bâtisse qui avait dû avoir son heure de gloire avant de voir son parc guillotiné par la ligne de train Paris-Lyon-Marseille, notre logement y était assez délabré, mais inépuisable de mystère et d'aventures, comme le jardin restant, dans lequel subsistaient des arbres grands comme des amériques. J'ai grandi dans cette cour assez communautaire, avec mes parents et mes deux frères, l'un plus âgé de deux ans, l'autre plus jeune d'autant. Y a-t-il là assez de déterminismes personnels, sociaux et culturels pour expliquer que je me sois mis assez tôt à écrire ? Peut-être. Mais contrairement aux livres, je ne crois pas que la Vie écrive nos parcours en commençant l’histoire par la fin. Bref, j’ai passé cinquante ans et je reprendrais volontiers à mon compte le « seul la vie est importante » du film Le cinquième élément, mais en précisant que cet élan vital nous vient essentiellement des autres, ce qui nous confère la responsabilité de partager le nôtre. Je crois également que l’ennemi de cet élan vital, ce n’est pas la mort, qui me parait s’inscrire assez bien dans l’ordre naturel des choses, mais la souffrance.
Qu'est-ce que je lis ?
Oh la question sournoise ! À part les prospectus arrivés dans ma boite aux lettre, que je lis souvent avec beaucoup d'attention – on comprendra pourquoi au paragraphe d'après – je lis au moins un bouquin par semaine et ce, depuis quarante-cinq ans, ce qui doit faire au bas mot deux mille cinq cent livres. Tiens ? C'est également (environ) le nombre de livres que j'ai chez moi. S'agit-il, dès lors, de citer les auteurs les plus présents dans mes étagères ? King, Duras, Colette, ou ceux qui m'ont le plus passionné ? King, Herbert, Sturgeon, ou ceux qui m'ont le plus impressionné ? King, Yourcenard, Proust ou ceux qui m'ont le plus bluffé ? Genet, Mishima, Michon. Mais si la question est de savoir ceux qui m'ont influencé, il faudrait supposer que lire, et lire beaucoup, inspire l'écriture. En ce qui me concerne, je ne le crois pas. D'ailleurs, si je devais avoir en tête ces écrasant modèles, je n'écrirais pas. La musique et le cinéma créent pour moi des ambiances plus propices que la lecture. Je trouve par exemple de magnifiques leçons d'écriture chez Brassens, dont l'intégrale tourne en boucle sur mon lecteur MP3. Mais si la question est de savoir ce que je lis en ce moment et quels sont les livres rangés à côté de mon lit, il y a Les vilains petits canards de Boris Cyrulnik, dont je trouve l’idée de résilience tout à fait enthousiasmante, Les années métalliques de Michel Demuth, de l’excellente SF des années 70 et Toutes ces choses qu’on ne s’est pas dites de Mac Levy, dont ont m’a assuré qu’il y avait là quelque chose ressemblant à Bristol 170, une histoire que j’ai écrit récemment. Sinon, aux toilettes, on trouvera une Histoire visuelle de l’art, des albums de BD et une anthologie de la revue Bizarre (1953-68).
Qu'est-ce que j'écris ?
J'écris professionnellement beaucoup et même s'il ne s'agit « que » de rapports éducatifs à destination d'un Juge des enfants, c'est un vrai travail d'auteur puisqu'il s'agit bien, avec ma sensibilité propre, de rendre compte de ce que j’ai compris d'une histoire familiale, au moment où l'un de ses membres l’exprime par une crise d’adolescence un peu débordante. J’ai écrit longtemps de la poésie visuelle, puis animée, puis programmée, jusqu’à ce que le développement des nouvelles technologies impose de se professionnaliser pour espérer continuer dans cette voie. J’ai eu la chance en 1998 de voir publié chez Gallimard un polar écrit avec mon amie Jane Sautière, Zones d’ombres, à la suite d’une sorte de défi lancé entre nous deux. J’ai écrit dans la foulée un gros roman d’aventure qui n’a pas trouvé d’éditeur. Puis à partir de quelques nouvelles dont j’ai espéré en vain que le fil rouge – les moyens de transport terrestre – puisse relier d’autres auteurs, j’en ai écrit assez pour constituer le recueil Routes enlacées. Une internaute les a lu. Elle voulait lancer sa maison d’édition et m’a demandé si... J’ai dit oui. Mais l’écriture trouvant pour moi, comme tout le reste, sa vraie dimension quand elle est partagée, j’ai lancé sur le Net plusieurs projets littéraires dont deux ont donné lieu à une édition papier : Le recueil Photomaton ; un personnage entre dans un photomaton mais ses photos sortent blanches. Cent vingt textes écrits, soixante publiés. Enfin, en 2008, La revue Scribulations qui édite une fois l’an, pour le moment sur papier, les textes produits dans son propre atelier d’écriture en ligne, ou écrits dans d’autres ateliers, ou juste parce que je les aime bien. J’écris le plus régulièrement possible également sur mon carnet électronique, tout particulièrement des chroniques consacrées à des gadgets idiots repérés dans les prospectus, mais également sur ce qui me passe par la tête, ou sous les yeux.