Xavière - mes saisons par Hélèna Courteau

Après quatre nouvelles qui mettent en scène de jeunes filles au seuil de la vie adulte, écrites en 2020-2021 (Rosalie, Gala - ligne de partage, Hashley - nouvelles héroïnes, Valentin - un chemin comme un serpent chaud), voici : Xavière - mes saisons, le livre que j’aurais aimé lire à dix-sept ans.

Certes, c’est présomptueux de le dire, mais lorsque je me suis mise au clavier, les tribulations de la jeune femme de 17 ans à 20 ans ont coulé de source. Il s’agit d’un récit fictif dans une lignée panromantique (les désirs de Xavière n’ont que faire des genres normés) ou celle d’une voix singulière (oscillations de la conscience), tout en étant ancrée dans l’univers contemporain.

Xavière explore les sens et parcourt le territoire (road trip, récit initiatique). Sans culpabilité, sans essentialisme, elle dévore la vie. Sans mérite, dira t-elle. Son parcours épicurien rempli de musique et de poésie la promène de sa Gaspésie natale à la métropole, à l’Isle du Bas-Saint-Laurent, et retour à la Baie des Chaleurs avant de repartir sur les chemins.

Qu’on ne s’y trompe pas, la tourmente n’épargne guère Xavière Clément. Huit fois par terre, neuf fois debout, ses pas rythment son cœur. Xavière cherche à comprendre un monde tout en paradoxe.


Première diffusion : 24 août 2022 ; Poids : moyen ; Collection : Romans
Prix sur 7switch : 3,59 € - 4,99 $ca 
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ISBN : 978-2-924550-73-1


Extrait 1 :Mon cœur sursaute.

Mon cœur sursaute. Mes amis du voyage témoin sont arrivés.

L’an passé, à ma première année de collège, je me suis jointe à un groupe du département de science politique de l’Université du Québec. Il accompagnait tante Sophie Bluteau, ex-ministre d’un parti indépendantiste du Québec. Femme à l’autorité naturelle, rigoureuse et résolue à donner le statut de république au territoire. Sophie documente le vote populaire des nations aux visions autonomistes et démocratiques. Cette fois, un pays du Maghreb.

Le groupe de Léonce et Béatrice auquel je suis attachée, est pris en charge dès l’arrivée à l’aéroport. Une forte agitation régnait dans la ville et comme devant un virage aigu de l’aviatrice, je gaine mes muscles contre le décalage. La chaleur intense dès l’aube, la modulation des voix, le son des klaxons, l’odeur persistante du diesel et des corps chauffés au soleil ardent me déconcertent. Fabuleux.

Tôt le matin, avec Béa et Léonce, je cours d’un bureau de vote à l’autre. Des assemblées constituantes sont organisées clandestinement, parfois traduites par des interprètes d’ONG. Nous participons furtivement aux jeux du chat et de la souris avec les soldats de la Garde nationale.

Des stratégies efficaces sont mises en place grâce à la solidarité des citoyens, tout en respectant les consignes de non-violence. Témoin anonyme, je note fébrilement les rencontres, les chants, le cercle autour d’un tajine aux œufs. Devant un atay à la menthe, Sahar, remplie d’appréhension, est connectée au sens du combat. Je ne sais presque rien, sauf que le vent soulève la poussière de la terre.
 


Extrait 2 : La pluie avait cessé.

La pluie avait cessé. Debout, devant la table en bois de rose, Berthe dessine des nuages gris. Elle les allonge de droite à gauche à gros traits, comme si un brouillard recouvrait le ciel sur la feuille. Théobald est à la fenêtre, les bateaux de pêche valsent dans l’archipel. Il retient un élan.

Je mets mon nez au carreau.

— On y va.

Ignorant le littoral, nous bifurquons vers l’intérieur de l’Isle.

Devant la coopérative fromagère, un café. On s’y engouffre, respirant l’air du temps. Des ordinateurs, de la musique, une odeur de pain grillé. Sur le comptoir, Le Cheval noir de l’Isle, Le Macpherson de l’Isle, Le Riopelle de l’Isle, La Bête-À-Séguin… Nous choisissons l’assiette dégustation quatre fromages. L’heure du lunch s’étirera jusqu’à celle de l’apéro.

Grand séducteur du genre humain, Théo cause à bâtons rompus avec notre voisine de table. Tout en écoutant, Berthe et moi marquons le rythme de la musique du lieu.

Elle s’appelle Audrée. Elle est originaire d’une banlieue de Montréal. Sur un coup de cœur, elle a abandonné son travail et le duplex familial. Un désir irrépressible l’a poussée vers l’est. Une fuite en avant. Son conjoint ne partage pas les voix de l’oracle.

Au début, la professeure se débrouille en offrant des leçons particulières en art et en langue seconde. Peu à peu, sa notoriété se répand. Elle loue une maison d’ardoise, ouverte sur une mer souvent agitée d’octobre à mai.

— J’entends siffler le vent. Lorsque j’entre après les travaux au jardin, j’ai l’habitude de nettoyer mon visage du sel qui le recouvre.

Le programme en Arts, Lettres et Communication s’est ouvert au cégep de Montmagny. C’est à vingt minutes en ferry. L’hiver dernier avec les enfants de l’Isle, je me déplaçais en avion.

─ Pourquoi avoir choisi l’Isle-aux-oies-blanches ?

La réponse vient sans détour,

— Pour la beauté.

Depuis un an, la maison m’appartient.