La vie rocambolesque de François du Paradis, tome 2 (1941-1945), un roman de Pierre Charles Généreux

François Du Paradis est un personnage rocambolesque, picaresque. Né vers 1915, François Du Paradis va traverser, avec armes et bagages, la quasi-intégralité du vingtième siècle. La chose se jouera cul par-dessus tête, en vivant une existence totalement différente de ce qu'il avait pu prévoir ou anticiper. Tout y passe : Années folles, Deuxième Guerre mondiale, Trente Glorieuses, maccarthysme, époque underground de la contre-culture, même une touche de millénarisme. Rien ne nous est épargné. Et on étale et déploie devant soi peut-être le premier regard littéraire et fictionnel qu'arrive à porter le vingt-et-unième siècle sur celui qui fut, de tous les points de vue, un vrai siècle de fous, catastrophique, sanglant, perturbant, artistique, mélancolique.

Pierre Charles Généreux porte bien son nom. Il est un romancier d’action puissant, riche, nuancé, cinématographique, doublé d’un peintre de caractères sémillant et merveilleux. Son récit se déploie à un rythme de charge. Le tout prend corps, en manifestant une capacité d'évocation à la fois perfectionnée et suave.


Première diffusion : 27 mars 2024 ; Poids : lourd  Collection : Romans
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En version papier, l'ouvrage est disponible sur Amazon, notamment sur Amazon Canada
ISBN : 978-2-924550-89-2


Extrait 1 : Au bordel

Il tourne les talons et entre dans le bordel. Au moment de nous diriger vers la voiture, je croise le regard de William et, au lieu d’y trouver un restant de tristesse ou de gêne, je vois l’éclat sinistre d’une lame, un éclair de haine si lumineux que j’en ai des frissons. Je le soutiens néanmoins. J’ai passé le test, nous avons passé le test, André et moi, et il a échoué. Lui, le fanfaron, la queue molle comme une nouille. Cela va se savoir, tout se sait. À partir de ce jour, rien ne pourra qualifier la nature définitive du ressentiment qui nous sépare. Je sens que le dénouement de cet antagonisme nous mènera à l’extrême. Cette fois, il n’y aura d’autre d’issue que dans la mort.



Extrait 2 : Les jumelles

J’entends ou plutôt je perçois leur présence, des frottements, des petits cris de rongeurs, des courants d’air. Elles sont toutes proches. Leur senteur mentholée me hérisse. Je sursaute. Elles sont évidemment à l’aise en l’absence de lumière, comme des araignées sur leur toile. C’est leur monde et je m’y colle. Une langue râpeuse comme celle d’un félin puis une deuxième me lèchent la face et se repaissent du sang qui commence à coaguler. Je peux me retirer, mais je reste immobile. Je plane au-dessus du sol que je ne vois pas. Les deux langues sont bientôt accompagnées par quatre mains. Celles-ci me débarrassent de cette tunique raidie, qui frotte sur mon épaule meurtrie. Des claquements de langues. On dirait des chauves-souris. Je vois Jane qui s’avance vers moi avec quatre bras et cela lui donne, malgré le désir que je ressens toujours pour elle, un aspect tout à fait monstrueux. Elle me serre contre elle et ses quarante mamelles. Ses bras font plusieurs fois le tour de ma poitrine. À qui sont ces jambes lisses comme du marbre, ces bras qui m’étouffent, ces lèvres sur ma verge gonflée, ces mains qui maintiennent ma face sur des vulves brulantes et offertes. Si je n’étais pas en train de monter mon cheval Absalom, dans les douces pâtures de Géorgie, en compagnie de maman, je m’apercevrais que c’est une des deux jumelles qui me monte comme dans un rodéo. Ma mère se tourne vers moi et la chair de son visage est toute fondue et tombe en lambeaux, laissant paraitre ses dents de derrière. Parlant de derrière, voilà que celui de la deuxième albinos vient se coller sur ma bouche et m’emprisonne comme une plante carnivore. Quelque chose sort de moi, je me vide comme une baignoire.



Extrait 3 : Dans la capitale du vin blanc de Corrèze

Nous sommes dans la capitale du vin blanc de Corrèze et Jacques va bientôt devenir sommelier, s’il ne meurt pas de choc éthylique avant. Nous allons souvent sans armes dans les vignobles, ne redoutant plus de voir surgir l’ennemi en rase campagne.

Le ravitaillement arrive comme la manne tous les deux jours, sous forme de largages à basse altitude de denrées, de vêtements, de munitions. On a trouvé un demi-queue dans le presbytère Sacré-Cœur-des-Rosiers, un piano, ma foi, tout à fait convenable. Avec une concertiste lyonnaise, Marlène Jodry, qui s’est jointe à la lutte après que son mari eut péri aux mains de Klaus Barbie, nous donnons des récitals improvisés, presque tous les soirs. Elle me dame le pion côté interprétation, mais personne dans la foule, qui s’étend parfois jusqu’au parvis, ne s’en aperçoit. Dès que j’entonne Night and day de Cole Porter, fusent les acclamations.


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