Les cent-trente-huitards : chroniques du Collège de l'Assomption par Paul Laurendeau

Fondé en 1832, le vénérable collège de l’Assomption (L’Assomption, Québec, Canada) numérote pieusement ses promotions estudiantines. Ainsi l’auteur de cet ouvrage, Paul Laurendeau (né en 1958, âgé de douze ans en 1970) et la bande de drilles et de drillettes évoquée ici sont de la cent-trente-huitième promotion du collège de l’Assomption (1832 + 138 = 1970). Et cela fait d’eux, comme irrésistiblement, de fervents promoteurs du nombre aléatoirement chanceux de 138... Segment concret du patrimoine collectif du Québec, portion briquetée de la petite histoire comme de la grande, le collège de l’Assomption se doit fatalement d’assumer son chaloupeux héritage. Il le fait ici, un tout petit peu, en un jeu soigné d’une quarantaine de miniatures en prose représentatives. Pour l’histoire, pour la sociologie, pour le souvenir… Depuis les suaves replis du temps, bienvenue à tous et à toutes. Entrez dans la danse des cent-trente-huitards.


Première diffusion : 15 mai 2023 ; Poids : moyen  Collection : Essais
Prix sur 7switch : 3,49 € - 4,99 $ca 
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ISBN : 978-2-924550-73-1


Introduction (extrait 1)

Le collège privé était maintenant en compétition avec un système public efficace, performant, novateur, intellectuellement progressiste et gratuit.

On avait beau dénigrer ledit système public, on ne pouvait pas vraiment s’empêcher de sentir sa puissance, toute fraiche. « Chez nous, c’est différent, tout ce qu’y a ailleurs, on l’a pas icitte »… c’est surtout cette situation nouvelle que ce slogan détourné commentait… Ils avaient les ressources que nous n’avions pas, ou plus. Et tout cela a eu une forte incidence sur la nature et la dynamique de l'enseignement auquel nous avons été confrontés, au collège. Les curés n'étaient plus triomphants. Ils étaient aux abois. Ils se devaient de se mettre à la page, pour continuer d’attirer leur clientèle payante, aspirant désormais à un enseignement moderne, pour leurs enfants (le tout débouchant sur autre choses que des carrières traditionnelles et vieillottes). Sans ce renouvellement, les enfants des temps nouveaux seraient tout simplement partis dans le système public. Subite émulation par la compétition, si vous voyez le topo en action. Cela a créé une espèce d'effervescence de modernisation, au collège. C’était… faire pop ou mourir. Nous en avons, je pense, amplement bénéficié.


L'enseignement du football (extrait 2)

Bondance de ma petite vie, j’ai suivi des cours de football, c’est quand même pas une affaire si anodine que ça. Et laissez-moi vous dire qu'il y a des choses très intéressantes à en dire. Bon, d'abord, pour éviter que les types s’estropient, parce qu'on jouait habituellement sans équipement, ce qui se passait sur le terrain c'était plus du Flag Football, c'est-à-dire cet exercice subtil qui consiste à évoluer avec une bande guenilleuse pendue dans le derrière. Et quand tu te fais arracher la bande guenilleuse (le flag), cela correspond, de façon sublimée, au fait d'avoir été plaqué ou éliminé du jeu. Moi, ça faisait bien mon affaire puisque ça réduisait les empoignes, dont vous vous doutez que j'étais peu friand.

Le souvenir concret est plutôt suave. Je ressens encore le gazon de notre belle cour, et cette fraîcheur automnale inégalable, et les olibrius qui criaient sur le terrain, qui plaçaient des jeux, et le reste. Tout était à apprendre, les passes, les bottés, les remises. Ce foutu ballon oblong rebondissait dans toutes les directions, sauf la bonne. Quelle joie insolite. Impression rafraichissante, lointaine et heureuse. Et il y avait aussi la cruciale dimension intellectuelle de cet enseignement. Ainsi, à un certain moment, après avoir concrétisé des jeux sur le terrain, on se retrouvait tous dans une des petites salles attenantes de l'aréna, devant un tableau noir. Et le prof nous faisait un exposé théorique, et je peux vous assurer qu'on se prenait la tête pour suivre l’impressionnante géométrie de ce sport remarquable. Je vois encore le tableau noir, couvert de schémas et de plans de jeux, et le prof qui dit des choses comme: « Si vous suivez pas ce pattern de jeu précisément, les flags vont revoler… et en jeu réel, c’est les gars qui vont revoler